Le transsibérien, une escapade hors du temps

Après deux jours à visiter le centre de Moscou en suivant les conseils de nos hôtes, arrive le moment de prendre le train vers notre nouvelle étape.

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Programmé à 13h10, heure de Moscou, nous profitons de la matinée pour réorganiser nos sacs et acheter les victuailles nécessaires à notre voyage.

Nous arrivons en gare de Kazan (une des 3 gares de l’Est de Moscou), exténués d’avoir porté nos sacs gavés de nourriture et d’eau. Toutes les indications étant en cyrillique, je me propose de partir en reconnaissance pour trouver le bon quai pendant que Marie surveille les sacs.

Et là, c’est le drame… Devant le tableau des départs, je regarde ma montre, constate qu’il est 13h02, que le train ne va pas tarder à partir et que nous ne savons toujours pas de quel quai. Nous nous chargeons de notre barda et courrons tant bien que mal vers les trains, un peu affolés, pour trouver le bon en demandant au personnel.

Heureusement, c’est le deuxième ! Nous avisons la provodnitsa de notre wagon, montons après la vérification de nos billets et passeports et nous écroulons à nos places en souriant bêtement.

20151115203008_IMG_2453Le temps de ranger les sacs, la provodnista revient contrôler nos billets et distribue les draps. Ces dernières sont reines en leur wagon, par équipe de 2, elles décident de la lumière, de la musique, font le ménage des couloirs et des sanitaires, fournissent moyennant quelques roubles des en-cas aux imprévoyants et, comble du luxe, réveillent les passagers de leurs douces voix lorsque leur arrêt approche.

20151112191410_IMG_2279Notre voyage se déroulera en troisième classe, les « platscard », Pour les amateurs de chiffres, il s’agit d’un wagon divisé en 9 compartiments ouverts (pas de portes) de 4 couchettes superposées face-à-face plus 2 couchettes superposées installées perpendiculairement de l’autre côté du couloir, soit 54 personnes (voire plus en présence d’enfants en bas-âge).

 

Le tout est surveillé comme le lait sur le feu par deux provodnitsa (se relayant jour et nuit), dispose de deux toilettes, deux prises de courant et d’un samovar, sorte de bouilloire délivrant de l’eau chaude à volonté.

Au dessus de chaque paire de lits superposés sont stockés les matelas (inconfortables) à dérouler sur les banquettes, les oreillers (généreusement garnis de plume) et les couvertures pour les frileux (la température interne du wagon avoisine les 25° en continu).

Nous sommes donc partis pour 3 jours et demi de train, direction la Sibérie avec le lac Baïkal en ligne de mire.

Notre premier après-midi dans le train nous permet d’appréhender son fonctionnement. Nous sommes à priori les seuls étrangers dans le wagon et suscitons quelque timide curiosité.

Les russes considèrent le transsibérien comme une extension de leur maison. Ils se changent pour des vêtements pratiques (jogging, voire caleçon), sortent les pantoufles… Marie sort derechef son pyjama ! De même, le samovar est très sollicité par les passagers pour se faire du thé ou des soupes lyophilisées.

Nous nous endormons après que Marie m’ait fait remarquer les premières neiges au sol. Le petit écran d’information indique une température extérieure de – 3°.

Ne croyez pas qu’une nuit dans le transsibérien soit de tout repos. Si nous n’avons pas été victimes de ronfleurs intempestifs, les voyageurs vaquent cependant à leurs occupations (thé, musique, séries télés) et les cahots du train peuvent parfois secouer. De plus, chaque arrêt prélève son tribu de passagers, rapidement remplacés par des frais.

C’est ainsi que notre deuxième jour s’entame, notre compartiment renouvelé de moitié, nous faisons office de vétérans.

Le spectacle qui s’offre à nous par les vitres du train est majestueux. Des plaines interminables, ponctuées de forêts de bouleaux et de petites villes éparses, aux jolies isbah de bois, qui se couvrent peu à peu de neige. De surcroît, contrairement au train en France, nous ne trépignons pas d’arriver, quand bien même reste-t-il encore 2 jours de voyage. Il semble que le temps se soit arrêté…

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Le spectacle à l’intérieur est à l’avenant. Un musicien-compositeur-interprête est monté dans le train pendant la nuit. Découvrant grâce à Marie « Brise-Glace » que nous sommes français et que nous avons décidé de voyager autour du monde, il nous chante quelques chansons de son répertoire avant d’être interrompu par une passagère mécontente qui réclamera la radio pour tout le wagon à la provodnitsa.

20151113101335_IMG_2291Pourtant, ces quelques minutes de musique ont permis de nous ouvrir les uns, les autres, et, même sans parler la même langue, essayer de nous comprendre.

Ce glasnost est de courte durée, le ménestrel russe quittant le transsibérien pour de nouvelles aventures.

Notre troisième journée commence alors. Il fait -15° à l’extérieur.

Notre régime à base de nouilles, soupes, fruits déshydratés devient lassant et nous nous essayons à nous fournir sur les quais. Nous achetons des bottereaux fourrés au fromage et aux légumes (chou, oignon, carotte) et une tortilla au poulet avec les même légumes.

Cela nous permet de tester une amplitude de température de 40° (25° à l’intérieur, -15° à l’extérieur).

C’est alors que nous apprenons l’horreur des attentats de Paris. Coupés du monde, nous n’avons aucun détail des évenements bien que nous ayons reçu des messages rassurants des parents de Marie. Alors que la France est de nouveau frappée au coeur, nous sommes à l’autre bout du monde et restons bouleversés dans nos couchettes.

Notre quatrième et dernier jour dans le transsibérien commence, maussade, après une mauvaise nuit. La température est descendue jusqu’à -27° pendant la nuit.

Cependant, Marie « Brise-glace », sympathise avec une fillette du compartiment mitoyen du nôtre en dessinant avec elle et en jouant à un jeu de l’oie en russe.

Quant à moi, je prends une peignée aux dames, infligée par Sergueï, un « voisin », soldat en permission qui va visiter sa famille accompagné de Katia, sa compagne. Ce dernier n’a pas froid aux yeux, et fanfaronne en sortant lors d’un arrêt par une température de -16° en caleçon et tongs, avec un manteau tout de même, pour aller chercher du pain à l’autre bout du quai.

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Eux aussi sont au courant des attentats de Paris, dire « Boom » et agiter les bras est un message universel. Ils nous communiquent leur soutien, les russes ayant eu leur lot d’attaques terroristes.

Encore de nouvelles rencontres éphémères mais marquantes, nous nous séparons arrivés à Irkutsk. C’est là que le décalage horaire nous frappe de plein fouet. En une semaine nous encaissons 7h de diférence avec la France. Arrivés à 2h30, heure d’Irkutsk (soit 21h30 heure de Moscou ou 18h30, heure de Paris), il nous est impossible de dormir, d’autant que Marie ne se sent pas au mieux de sa forme et pâlit à vue d’oeil.

A cela s’ajoute le fait que nous sommes dans une ville inconnue, sans repères, pour trouver la gare routière d’où nous pourrons prendre le car qui nous emmênera au Lac Baïkal, sur l’île d’Olkhon. Et Marie est bel et bien malade (Catherine, soyez rassurée, elle va mieux) !

Après une interminable nuit blanche sur les durs sièges glacés du hall de la gare devant un film américain avec Bruce Willis mal doublé en russe (les voix anglaises n’ont pas été effacées et se superposent au doublage), nous partons en quête de la gare routière.

Pour ce faire, nous prenons le tramway dans la direction qui nous semble la bonne, aidés en cela par une russe qui semble avoir compris notre destination. Brinquebalés dans le tramway rouillé, je me trompe dans le compte des arrêts et nous fait descendre trop tôt.

A posteriori, je dirais que mon brillant instinct m’a fait réagir au moment opportun. En effet, nous n’étions pas sur la bonne ligne et, sans descendre, nous partions vers l’inconnu…

Après quelques minutes de marche, nous arrivons à la gare où nous apprenons qu’il n’y a pas de bus pour Olkhon mais uniquement des minibus, des petits vans japonais où l’on peut s’entasser à 9. Notre chauffeur jette sans ménagement nos deux sacs le toit.

20151116081139_IMG_2454Lorsque nous partons enfin, le minibus est plein mais file à toute vitesse dans la circulation irkutskienne, au mépris des règles élementaires du code de la route. Si bien, qu’avec Marie, on a trouvé que les Marseillais étaient des conducteurs prudents et avisés, par rapport aux russes.

Après une halte bienvenue, nous quittons la route asphaltée pour une piste en terre, parfois goudronnée. Dans le minibus, entre deux cahots, nous sympathisons avec un jeune russe qui nous déclare être guide pour les touristes. Il nous indique que nous devons éviter certains endroits de l’île, notamment Marie, en raison de l’énergie chamanique qui s’en dégage. Selon lui, des recherches archéologiques ont également prouvé que la première mine de fer de l’histoire a été ouverte à Olkhon, avant d’ajouter qu’il a des mensonges officiels plein sa musette. Plein d’humour, il commente l’état parfait de la route et la conduite souple et sécurisante sur les plaques de glace et de neige que l’on traverse.

Il nous quitte peu avant d’arriver au bac qui nous fera traverser le lac jusqu’à l’île. Après quelques minutes sur l’eau, nous repartons en trombe direction Khuzir, la principale ville de l’île (et la seule apparament).

Il reste un jeune couple de voyageurs avec nous, Robin et Chiara, un sud-africain vivant à Londres et une texane en voyage pour 6 mois après s’être rencontrés il y’a un an en Argentine.

Lorsque nous y arrivons, nous sommes déposés avec eux, en plein blizzard, devant l’auberge de Nikita Bencharov où nous allons passer quelques jours avant de partir pour la Mongolie.

Pour accéder à un plus grand nombre de photos, rendez-vous sur notre compte Flickr en cliquant (ou copier/collant) sur le lien suivant :  https://flic.kr/s/aHskpvFgi5

 

3 réflexions au sujet de « Le transsibérien, une escapade hors du temps »

  1. Salut les amis, merci pour ces récits très passionnants, cela fait rêver et me rappelle le voyage en transsibérien fait avec Véro il y a… près de 23 ans , si je compte bien

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  2. salut les jeunes globetrotters quel beau debut de voyage des photos qui confirment que le reve est proche
    pour le train belle preparation pour la thailande car le principe du train de nuit qui va du nord au sud est le meme ,couchette de quarante lits .
    cela favorise les rencontres et laisse des souvenirs .
    bon je vous laisse profiter du voyage car je vois que tout se passe bien , gros bisous a vous deux
    flo et les enfants se joignent a moi pour vous dire good trip

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  3. Merci pour ce joli reportage rempli de rencontres et de paysages extraordinaires

    On a hâte de vous lire
    Profitez bien et faites nous profiter !
    Bon voyage

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