De la Châtaigneraie à Saint-Jacques-de-Compostelle – Acte 2 – Scène 1

Aujourd’hui, je quitte traverse la Garonne. Je quitte le Nord-Ouest pour le Sud-Ouest. Je m’attends à entendre cet accent chantant si caractéristique. En tout état de cause, je poursuis ma route. Ce ne sont pas quelques avanies qui vont m’empêcher de poursuivre et d’entamer, ce jour, l’acte deuxième.

Jour 14 – 11/10/2018
Royan – Soulac-sur-Mer

Une très courte étape que celle de ce jour. Probablement la plus courte de tout mon périple. Il n’y a que 8 kilomètres à parcourir entre le débarcadère de la Pointe de Grave et le village de Soulac-sur-Mer où je serai, à nouveau, hébergé.

Après une courte traversée. Je découvre mon tout premier panneau relatif au Chemin de Compostelle. En effet, la Pointe de Grave et Soulac-sur-Mer sont, ensemble, le point de départ de la Voie Littorale.

La Voie Littorale est un chemin secondaire, autrement appelé le Chemin des Anglais, qui débarquaient là de la perfide Albion pour entamer leur lente procession sur les chemins du pèlerinage.

Le chemin est très agréable. Très boisé, ombragé, je n’ai pas à souffrir du soleil haut dans le ciel. Pour une fois que suivre la Vélodyssée est agréable.

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En allant vers Soulac-sur-Mer

Presqu’arrivé à mon étape, je suis interpellé par un homme, un volontaire engagé dans la préservation des différents bunkers qui parsèment les environs. C’est un ancien pèlerin, qui m’explique en détails savants, les différents types de construction militaire des environs. Je l’eusse rencontré auparavant, j’aurais suivi le GR des environs dont j’ignorais l’existence. Serpentant dans les arbres, il permet de découvrir ce patrimoine guerrier ensablé.

J’aborde enfin Soulac-sur-Mer et sa basilique Notre-Dame-de-la-fin-des-Terres. Datant du XIIe siècle, elle est tombée en ruine, victime des guerres de religion, de l’érosion des côtes et des éléments. Abandonnée en ruines, elle est engloutie dans le sable et seul le clocher dépasse, servant de repère aux navigateurs. Le village d’alors avait même déménagé pour un endroit mieux protégé dans les terres.

Elle demeurera ensevelie pendant un siècle avant d’être exhumée et restaurée pour lui donner l’aspect qu’elle présente aujourd’hui. Simple et efficace, austère à l’extérieure mais chaleureuse à l’intérieur, elle marque le départ du Chemin des Anglais.

Mon hôtesse, Monique, habite à quelques centaines de mètres. Elle aussi est une ancienne pèlerine. Elle l’a même réalisé à deux reprises. Elle met à ma disposition un petit studio tout équipé avec tout le confort nécessaire. Je suis comme un coq en pâte. J’en profite pour me reposer le plus complètement possible, pour rassembler mes forces pour les jours à venir.

Jour 16 – 13/10/2018
Soulac-sur-Mer – Montalivet

Je quitte Soulac-sur-Mer reposé mais à regret. J’ai eu droit à un accueil des plus chaleureux de la part de Monique. Elle m’a donné quelques conseils, notamment celui de m’arrêter à une auberge spécifique à Güemes, en Cantabrie. Je reprends la route après que pour la première fois, je sois gratifié d’un « Buen Camino », Bon chemin en espagnol.

Je rejoins le bord de mer et l’éternelle Vélodyssée qui longe les hautes dunes si caractéristiques du Médoc et des Landes. Rapidement, le sentier s’enfonce dans les terres, à l’écart de l’Océan. J’entame alors un chemin interminable, rectiligne, à longer des campings immenses jusqu’à arriver à la Pointe de la Négade. Je me délecte alors d’un panorama surréaliste.

Devant moi l’Océan Atlantique, houleux, dont les vagues viennent inlassablement s’abattre sur une plage qui, à gauche ou à droite, semble infinie. Je suis face à une forme d’éternité. Le ressac incessant, le vent, le sable. Toujours le même mouvement, encore et encore, la même synergie, depuis des millénaires.

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Plage Médocaine

Puis je repars dans les terres, en suivant le chemin jacquaire. Une alternative s’offre alors à moi. J’ai la possibilité de suivre un chemin historique très long ou de continuer sur la Vélodyssée, plus courte mais rectiligne et ennuyeuse.

Je ne me sens pas encore de faire une étape supérieure à 30 km telle que le chemin historique me propose. D’autant plus que ma tente est toujours hors service. J’ai bien trouvé de quoi faire une nouvelle réparation de fortune mais je ne suis pas sûr que celle-ci tienne également.

Je décide donc de poursuivre par un chemin monotone, écrasé de soleil dans ce mois d’octobre définitivement chaud. Le chemin ne présente donc aucun intérêt. Je m’interroge alors sur l’intérêt que peuvent avoir les cyclistes à le suivre pendant des centaines de kilomètres.

J’avale les kilomètres, évadé dans mon esprit qui divague, prisonnier volontaire de mon imagination. Je rêve éveillé alors que j’étais si admiratif du paysage lors de la courte étape de la Pointe de Grave, si belle.

Mes pas me font dépasser Euronat, un camping naturiste géant, toujours ouvert et qui propose des tarifs réduits pour les pèlerins. Ma volonté de continuer mon chemin font que je ne m’arrête pas profiter de cet accueil certainement chaleureux.

Enfin, je débouche sur Montalivet. Quel contraste encore avec la si charmante Soulac-sur-Mer. Tout n’est que béton et architecture sans attrait des années 1960. Que je regrette ce petit village aux petites maisons anciennes, typiques de l’époque des bains de mer.

Je suis cependant très bien accueilli au camping municipal. Presque vide, j’ai pu m’arranger avec la tenancière pour avoir un mobil-home pour la nuit si d’aventure ma nouvelle réparation de fortune sur ma tente ne fonctionnait pas.

Ainsi, je me mets à bricoler avec les petits moyens que j’ai. En guise de marteau, je n’ai qu’un caillou. En guise d’établi, une traverse de chemin de fer. Pourtant c’est bien suffisant pour procéder à une réparation et, à nouveau, monter ma tente. Cette fois-ci, cela tient.

Avis aux campeurs en galère, un tube d’aluminium légèrement plus grand que votre brin d’arceau pourra servir de manchon de réparation d’urgence. Un tube de 11 mm de diamètre est parfait pour un brin d’arceau de 8,7 mm comme le mien.

Alors que la nuit tombe, le vent se lève et balaie le camping. Bien haubanée, ma tente et sa réparation tiennent le choc et me laissent dormir paisiblement.

Jour 16 – 13/10/2018
Montalivet – Hourtin

Je quitte Montalivet aux aurores, sans regrets. Je rattrape là encore, la piste cyclable qui, là encore longe les hautes dunes de la plage avant, là encore, de s’enfoncer dans les terres pour, là encore, longer un camping interminable.

Après une longue ligne droite, j’arrive enfin à une bifurcation entre la Vélodyssée et le chemin de Compostelle. D’après le topo sommaire que j’ai récupéré, je suis bien en peine de déterminer mon chemin. Ma carte, insuffisamment détaillée ne m’est d’aucun secours.

Ce sont des locaux mieux renseignés qui me guideront. Je m’engage donc dans la forêt pour trouver la première borne près d’un kilomètre plus loin. Je marche pour le moment sur la route de l’ONF mais bientôt je m’engage dans les tranchées anti-incendie de la DFCI.

Mais cette forêt domaniale est une forêt dunaire et qui dit dunaire dit sable. Les tranchées anti-incendie de plusieurs mètres de large sont des pièges de sable qui m’arrive parfois jusqu’aux chevilles. Autour de moi, la chasse bat son plein.

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Dans les sables des tranchées DFCI

La progression est lente et harassante. Mais quelle beauté que cette forêt de pins et de chênes verts. Indispensable pour lutter contre l’érosion, des hectares de forêts ont été plantés pendant des siècles pour fixer le sable.

Je débouche à Pin Sec, un camping fermé pour la basse saison. J’espérais pouvoir m’y ravitailler en haut mais nenni, les robinets sont hermétiquement clos. Une stèle, en retrait, a été posée en mémoire de l’équipage d’un bombardier britannique qui s’est crashé dans la forêt pendant la seconde guerre mondiale. Pour continuer mon chemin, je dois m’enfoncer à nouveau dans la forêt et ce que je considère alors comme un enfer de sable.

J’arrive à Hourtin-Plage, espérant une supérette pour me ravitailler ne serait-ce qu’en eau mais, là encore, tout est fermé. Je trouve néanmoins des jeunes qui remplissent mes bouteilles de l’eau qui me manquait tant.

Progresser dans le sable m’a épuisé. Je suis à bout mais je décide de continuer vers le village suivant en espérant, sur le trajet, trouver un endroit où planter ma tente. Je déchante vite sur ce point, d’autant que la pluie s’en mêle. Heureusement, le chemin que je suis alors est une piste goudronnée.

Alors qu’il pleut toujours, j’arrive à Contault devant la maison forestière du lieu. Pris d’un élan, je frappe à la porte et le forestier en charge de la forêt que je viens de traverser me laisse généreusement profiter de son terrain en contrebas pour planter ma tente pour la nuit. J’essaie de l’aider, sans succès, à réparer son antenne satellite, profite d’un thé chaud et d’une part de gâteau avant d’aller m’isoler dans mon réduit précaire que j’affectionne tant.

Malgré la pluie qui tambourine sur la toile, je dors d’un sommeil profond, bercé par ce son répétitif et par l’odeur de la terre humide associée à celle de la sève des pins qui m’entourent. Ces senteurs sauvages m’apaisent.

Jour 18 – 15/10/2018
Contault/Hourtin – Quelque part autour de Maubuisson

Je me réveille reposé, frais, prêt à en découdre. D’après la météo, il est censé pleuvoir une bonne partie de la journée. Je me grée donc en fonction : pantalon de pluie et cape idoine à portée de main.

Je range ma tente encore humide, salue mes hôtes une dernière fois, remplit mes gourdes et je m’enfonce dans la pénombre de l’aube, toujours plus vers le Sud. J’entre à nouveau dans cette forêt dunaire. Le marquage, au mieux parcellaire, fait que je me perds rapidement.

En vérifiant le topo de l’association de pèlerins locale, je découvre que l’ancien chemin n’est plus balisé puisque remplacé par un chemin plus « sportif ». L’alternative est de retrouver la Vélodyssée.

Dans un élan d’enthousiasme débordant et me sentant dans une forme exceptionnelle, j’opte pour le chemin plus ardu. Excellente décision du pèlerin français. Le chemin ne présente que très peu de difficultés physiques qui ne sont que de brèves ascensions sur les flancs de barkhanes, des dunes caractéristiques.

Les récompenses vont bien au-delà de l’effort accompli. Le chemin alterne entre passages forestiers et sentiers lacustres d’une beauté qui me laisse sans voix. Les nuages gris qui me recouvrent, loin de m’oppresser, donnent une tonalité mystérieuse à cette forêt humide des pluies des jours précédents.

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Rives du Lac d’Hourtin

Je suis seul à marcher, à profiter de cet environnement que j’aime entre tous. Les odeurs se bousculent, les sons sont étouffés, je peux profiter de ce silence qui enivre. Malgré les passages parfois sablonneux, je me réconcilie avec les forêts du Médoc ! Cerise sur le gâteau, la pluie qui se devait diluvienne ne se résume qu’à une fine bruine épisodique ajoutant toujours plus de poésie aux passages lacustres. Les quelques gouttes troublent l’effet miroir d’un lac placide.

Le chemin est un régal jusqu’à ce que j’arrive à la base de loisirs de Bombannes, où cette nature que j’aime tant cède devant l’urbanisation balnéaire. Encore une station fantôme à l’heure où les estivants sont partis. En quelque sorte la nature a repris ses droits puisque j’y croise quelques chevreuils perdus entre les bâtiments.

Maubuisson, ville toute proche, est également vide. Je m’attable en terrasse du seul bar ouvert pour me désaltérer en attendant que la seule supérette du lieu ouvre en fin d’après-midi pour un petit ravitaillement.

Ce dernier effectué et me sentant toujours en forme, je repars d’un bon pas en direction de Lacanau alors que le soleil couchant inonde les environs de sa lumière dorée. Sur les contreforts du sentier, j’avise un endroit accueillant pour y planter ma tente. J’y serai de surcroît en sécurité, la chasse y est interdite.

Jour 19 – 16/10/2018
Quelque part autour de Maubuisson – Lacanau-Océan

Je suis réveillé par des tirs. Les chasseurs sont matinaux. De toute évidence, ils ne sont pas capables de lire les panneaux indiquant une réserve naturelle où la chasse est interdite. J’entends distinctement les clochettes des chiens, les tirs à répétition et les sifflets.

Je lézarde pourtant dans mon duvet, préférant lire que de me lancer dans mon rituel du réveil. Je finis par m’y résoudre cependant et range mon matériel, je me harnache et je retrouve le sentier qui me mène à Lacanau.

La piste cyclable que je suis est bien aménagée, au milieu des arbres de cette belle forêt médocaine. Il est plaisant d’y marcher.

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Les vagues lacanesques

J’arrive à Lacanau que j’aurais pu rallier déjà la veille si j’avais voulu marcher quelques kilomètres de plus avec ma lampe frontale. Je trouve un hostel pour m’héberger. Je retrouve les dortoirs d’Australie et de Nouvelle-Zélande, déserts cependant.

Il s’avère que c’est un excellent choix. Ses tenanciers sont particulièrement serviables et sympathiques. Ils vont même jusqu’à me mettre à leur disposition leur impressionnante collection d’outils pour pouvoir réparer ma tente avec les pièces que je me suis fait livrer par la poste en point-relais.

Le reste de la journée est dédiée au décrassage, à la lessive, au nettoyage intensif de ma tente, à la vaisselle de ma petite popote et au repos le plus complet !

Jour 20 – 17/10/2018
Lacanau-Océan – Quelque part entre Le Porge et Lège

Au réveil, je lézarde à nouveau dans mon lit. Je prends un temps considérable à prendre un vrai petit déjeuner complet, à faire mon sac, à plier ma tente propre et sèche. Il est 11h00 que je suis toujours à admirer la plage de Lacanau et ses vagues légendaires.

Je finis par me résoudre à partir et suivre la route dite du Lion vers le Sud. Je traverse la ville puis m’enfonce dans la forêt, suivant une fois de plus une piste cyclable. Fort heureusement, elles sont bien intégrées dans le paysage, entre forêt et dunes et demeurent intéressantes à suivre.

Passé Longarisse, je me retrouve à nouveau sur un sentier lacustre similaire au précédent. Il demeure toutefois bien plus facile mais aussi considérablement plus court. Ensuite, ne pas se perdre devient une gageure.

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Les rives du lac de Lacanau

Le GR8 que j’entendais suivre n’est tout simplement pas balisé. De temps à autres, un marquage presque effacé témoigne que le balisage a été, un jour, effectué mais de toute évidence jamais entretenu.

J’évolue un peu au hasard dans les tranchées anti-incendie, ces mêmes pistes sablonneuses que je maudissais il y’a quelques jours encore et qu’aujourd’hui j’affectionne démesurément. Le topo de l’association est inutile.

Je débouche sans trop savoir comment sur une zone aménagée par la ville du Porge. C’est une sorte de zone sportive avec des sentiers de jogging et un parcours santé. Je retrouve aussi le balisage du chemin jacquaire qui me mène toujours plus au Sud. Je dépasse le village sans le voir et trouve, au détour du sentier un endroit accueillant pour planter ma tente.

La nuit venue, j’entends les animaux de la forêt qui vaquent à leurs vies sauvages, gambadant autour de ma tente avant de disparaître le matin et les chasseurs venus.

Jour 21 – 18/10/2018
Quelque part entre le Porge et Lège – Quelque part autour du Cap Ferret

Je me réveille alors que les chasseurs sont déjà à l’œuvre autour de moi. C’est en quelque sorte une nouvelle étape dans mon rituel matinal.

C’est un bonheur de chemin de sable jusqu’à Lège. Je dois dire que passé la première impression, je suis devenu un afficionado de ces passages.

Je me perds en sortant du village. Devant traverser une grand-route, je rate une borne et m’enfonce dans un sentier de marais qui débouche dans un cul-de-sac. De l’autre côté d’une conche en apparence profonde, je distingue le sentier que je devais suivre, sans avoir une quelconque idée de la manière de le rattraper.

Je décide néanmoins de rebrousser chemin jusqu’à la grand-route. C’est là, qu’au loin, je distingue dans les fourrés une borne jacquaire que la nature, facétieuse, dissimulait à mon regard.

De nouveau sur le bon chemin, je m’enfonce à nouveau dans ce marais de prés salés qui borde le bassin d’Arcachon. Le chemin devient boueux par endroit mais très plaisant dans les hautes herbes et les joncs qui peuplent cette zone inondable en période de grandes marées.

Cependant, ce petit plaisir n’est que de trop courte durée. J’aborde rapidement une ville où je décide de me reposer à la terrasse d’un troquet, recharger mon téléphone et me ravitailler au supermarché proche.

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En marchant vers le Cap-Ferret

En suivant ce chemin, je me suis écarté du tracé officiel de la Voie Littorale qui contourne intégralement le Bassin d’Arcachon. J’ai préféré rejoindre le Cap-Ferret en suivant, là encore, la Vélodyssée, pour prendre le bac qui me déposera à Arcachon.

C’était choisir entre la peste et le choléra. Suivre une piste cyclable souvent sans charme ou traverser des agglomérations successives jusqu’à arriver à Arcachon… De deux maux, je pense avoir choisi le moindre.

Je marche donc sur cette piste cyclable déserte, le silence troublé de loin en loin par quelques détonations. Je finis, aux lisières du Cap Ferret, par trouver un endroit où installer mon campement à l’abri des regards, dans une herbe épaisse et particulièrement confortable.

Jour 22 – 19/10/2018
Quelque part autour du Cap Ferret – La Teste de Buch

Au réveil, je lézarde quelque peu comme j’ai commencé à en prendre l’habitude. Je marche d’un bon pas au quotidien et je décide de me permettre de faire des grasses matinées dans ma tente si cosy.

Je décide néanmoins de plier bagage, ne serait-ce parce qu’il me faut prendre le bac et j’en ignore les horaires.

Autour de la piste cyclable sur laquelle je marche, les chasseurs sont comme à la fête foraine. Jusqu’à ce jour, je n’ai pas entendu autant de coups de feu. Si j’étais insensible à ceux-ci auparavant, les tirs répétés depuis les fourrés qui longent la piste me font rentrer la tête dans les épaules.

J’arrive enfin à l’embarcadère où j’attends la rotation du bac qui me fera traverser jusqu’à Arcachon. L’office de tourisme de cette dernière ne m’est d’aucune aide. Hormis me dire qu’il existe un sentier côtier pour accéder à la Dune du Pilat dont j’espérais faire l’ascension, je n’ai aucune autre information.

De sentier côtier, il n’en est finalement rien. Les berges du Bassin comme celles donnant sur l’Océan sont toutes privatisées par de riches demeures. A part un parc aménagé par la Ville, marcher jusqu’à la Dune revient à traverser une zone résidentielle inintéressante. C’est pour moi un enfer que de marcher dans cet environnement. J’ai hâte de retrouver la nature.

J’arrive enfin au pied de la Dune, côté océan. J’apprends à ce moment là par un habitué que j’ai choisi la voie la plus ardue et qu’il existait, de l’autre côté, un escalier bien plus commode. Tant pis, je ferai avec.

Lourd sac au dos, sous un soleil de plomb, je commence mon ascension et je profite de ma désormais longue expérience de la marche dans le sable. Il ne faut pas longtemps pour accéder au sommet malgré cette sensation parfois d’avancer d’un pas et de reculer de trois.

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Au sommet de la Dune du Pilat

Du sommet, le panorama est époustouflant. Je m’assieds dans le sable pour en profiter, tout en recouvrant mes forces pour la dernière partie de la journée, celle où il me faudra trouver un endroit où planter ma tente.

Lorsque je sens le moment venu, je me harnache à nouveau et entame, avec les badauds, la descente, grâce à l’escalier cette fois-ci. Je me retrouve rapidement dans un environnement où je sais que je ne trouverai jamais où planter ma tente. Zone pavillonnaire, zone industrielle… Nulle part, je ne trouve un petit endroit où m’installer.

Je persiste à avancer, encore et encore malgré la fatigue. J’envisage l’espace d’un instant à planter ma tente dans un site sportif proche mais étant brillamment éclairé et encore utilisé j’y renonce. Les bois qui pourraient m’accueillir sont ceints de hautes clôtures barbelées m’interdisant tout passage.

Ce n’est qu’au détour d’une zone commerciale, au pied de la clôture d’un centre aquatique que je trouve un endroit qui pourrait faire l’affaire. C’est néanmoins grâce à ma lampe frontale qui donne des signes de fatigue que je monte ma tente et que je m’y installe pour sombrer rapidement dans le sommeil de l’épuisement.

Jour 23 – 20/10/2018
La Teste de Buch – Sanguinet

Au réveil, je paye mes folies de la veille. Point de courbatures, juste une profonde lassitude physique. L’ascension de la Dune du Pilat a puisé plus que de raison dans mes réserves déjà bien faibles. J’oublie souvent que marcher vers Compostelle impose de ménager sa monture !

Pourtant, lorsque je sors de ma tente, je ne peux qu’apprécier le paysage qui s’offre à moi. Je suis baigné d’une épaisse brume qui étouffe tout. Les sons, la lumière. J’entends à peine les voitures et camions qui roulent à quelques dizaines de mètres.

C’est aussi un danger pour moi. Je ne suis pas sur le chemin de Compostelle et il me faut le rattraper d’une manière ou d’une autre. J’ai un repère pour ce faire qui part de l’enceinte de la base aérienne de Cazaux. De là où je suis, la seule solution qui s’offre à moi est de marcher sur le bas-côté d’une route. Un jour de brume, ce n’est peut-être pas l’idée du siècle.

C’est donc pendant plusieurs kilomètres que je suis frôlé par tous types de véhicules. Je n’y fais même plus attention d’autant que la brume matinale s’est rapidement levée et que je suis plutôt bien visible dans la lumière du soleil qui se lève.

Cependant, la circulation, pour une raison que j’ignore s’intensifie. Pour être plus au calme et consultant ma carte, je décide de faire un détour pour une route très secondaire pour éviter de continuer à longer cette départementale.

Au moment de bifurquer, je remarque de l’autre côté du carrefour les clôtures de la base de l’Armée de l’Air de Cazaux. Le lieu où les pilotes de chasse sont formés. C’est un signe que je ne suis plus très loin du chemin « officiel » de Compostelle.

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Après le Médoc, les Landes

Sur mon itinéraire Bis, je croise à un carrefour un petit groupe de chasseurs. Certains m’ont vu le matin même sur le bord de la route. Je m’arrête pour discuter un peu avec eux et aussi leur signaler que je serai dans les parages. Chaleureux, nous rions de bon cœur. Ils m’indiquent également le meilleur itinéraire pour rallier Sanguinet, mon étape du jour. Je pars avec leurs encouragements et le conseil de faire attention aux chasseurs espagnols qui seraient pire que les français.

Par ailleurs, j’ai retrouvé la Voie Littorale grâce à mon sens de l’orientation et mon talent. Je dépasse les bornes frappées de la coquille et peintes en bleues que je n’avais plus vues depuis que j’avais choisi un autre chemin au Porge.

Le chemin qui me fait arriver au Sanguinet est plutôt agréable même si je suis à nouveau écrasé de soleil.

C’est arrivé au village que les choses se corsent. En effet, j’aimerais trouver un camping où m’installer pour de basses raisons d’intendance : lessive et douche. Cependant, je suis arrivé un samedi. L’accueil du premier camping est fermé le week-end, le second n’accepte plus les campeurs et ne me propose que des mobil-homes que je dois louer au minimum pour deux nuits à un tarif prohibitif.

Je commence à me dire qu’il faudra que je retarde ma pause intendance et que, compte tenu de mon rythme de marche, je n’aurai pas d’autre créneau avant au moins 3 jours. C’est alors qu’une des réceptionnistes me parle d’un petit camping à la sortie du village qui pourrait peut-être m’accueillir.

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Dans mon camping de gitan

Après vérification, la tenancière me confirme que c’est tout à fait possible. Sur place, je suis face à un terrain de camping un peu foutraque avec des caravanes bâchées, une cuisine commune en libre-service, des frigos sous un préau, une longue table sous une tonnelle… Bref, un camping qui fait gitan mais tellement chaleureux ! J’adore, j’ai l’impression d’y voir ma collocation australienne en version campement.

Camping La Pinède : 523, Avenue des Landes. Sur la route de Biscarosse

Emplacement pour une tente : Variable en fonction de la saison (avec services)

Les plus : L’ambiance chaleureuse, les services communs, l’accueil de la propriétaire

Les moins : Aucun

Douche chaude, lessive, électricité et calme à un prix défiant toute concurrence ! Je suis conquis par l’atmosphère et la générosité de la tenancière. Je profite d’un supermarché proche pour faire un ravitaillement et, luxe suprême, d’un kiosque pizzeria proche pour dévorer un peu de confort !

Le rideau se ferme alors sur ma tente solitaire où le pèlerin français dort paisiblement. Ainsi s’achève la première scène de l’acte deuxième.

Sommaire :

Prologue

Acte premier

Acte deuxième – Scène 1

Acte deuxième – Scène 2

Acte troisième – Scène 1

Acte troisième – Scène 2

Épilogue

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